La fréquence optimale de pédalage

Une interview avec Louis Passfield, cycliste professionnel

Pédales d
Pour un cyclisme efficace, trouver la cadence correcte est primordial.

Chris Froome et Nairo Quintana sont tous les deux d'excellents coureurs professionnels, mais sont très différents sur un point : leur fréquence de pédalage. Louis Passfield, cycliste professionnel britannique et expert en entraînement, explique dans une interview l'importance de cet indicateur, s'il existe une valeur optimale et comment vous pouvez entraîner votre cadence de manière ciblée.

Qu'est-ce que la fréquence de pédalage ?

En cyclisme, ce terme désigne le nombre de tours de pédale par minute. La fréquence de pédalage détermine donc combien de fois le pédalier tourne à 360° en une minute. Le nombre de tours par minute est indiqué par l'abréviation rpm (revs per minute = tours par minute). Plus un cycliste pédale vite, plus la cadence de pédalage est élevée.

Il y toutefois plusieurs aspects à prendre en compte pour déterminer la fréquence de pédalage optimale comme la distance du parcours, les côtes, les plats, les descentes. Celui qui grimpera une côte avec une fréquence de pédalage maximale, fatiguera rapidement en raison d'une consommation d'énergie excessive et ne progressera que très lentement sur le reste du parcours. Pour gérer une distance le plus rapidement possible, le rapport optimal entre l'effort et l'endurance - indicateur de la fréquence de pédalage, est donc essentiel. Définir l'optimum est ainsi bien plus complexe que ce que l'on imagine.

Pour remédier à cette situation, owayo a posé pour vous les questions les plus importantes sur la fréquence optimale de pédalage au Professeur Louis Passfield. Voici ses réponses, parfois des plus surprenantes.

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Y a-t-il une fréquence optimale de pédalage ? Interview avec Louis Passfield

Louis Passfield, spécialiste du cyclisme
Prof. Dr. Louis Passfield

Le Prof. Dr. Louis Passfield est l'un des plus grands experts du cyclisme au monde. Il a été chargé de la préparation de l'équipe cycliste britannique sur plusieurs championnats du monde dont les Jeux du Commonwealth et les Jeux olympiques en 1992 (Barcelone), 1996 (Atlanta) et 2008 (Pékin). Aujourd'hui, Louis Passfield enseigne à l'Université du Kent; ses recherches portent sur l'entraînement, le mentorat, la performance en cyclisme et plus particulièrement en matière de fréquence de pédalage. Il informe les abonnés de son compte Twitter de l'avancée de ses recherches.

owayo : Monsieur Passfield, vous êtes l'un des meilleurs chercheurs en matière de fréquence de pédalage. En parallèle, vous avez accompagné ces dernières années l'équipe cycliste britannique sur de nombreux tournois et compétitions, en autres lors des Jeux olympiques. D'après votre expérience, les conclusions tirées des recherches scientifiques sur la fréquence de pédalage coïncident-elles avec les résultats sportifs réels ? Prof. Dr. Louis Passfield : « Je pense que le sujet de la fréquence de pédalage illustre bien le fait que les résultats des performances réelles des cyclistes sont depuis bien longtemps prépondérants. Jusque dans les années 1970, la recherche considérait que les cyclistes pédalaient bien plus vite que ce qui était considéré comme efficace d'un point de vue physiologique ou scientifique. Cependant, même à l'époque, les scientifiques reconnaissaient traiter le sujet de manière trop réductrice. A mon avis, nous ne sommes pas encore capables aujourd'hui de comprendre parfaitement comment les cyclistes choisissent la bonne fréquence de pédalage et pourquoi cette dernière, bien souvent, est plus élevée que celle qui serait optimale d'un point de vue physiologique. »

Existe-t-il un lien direct entre la fréquence de pédalage et la performance ? « Oui, et même un lien très important et bon entre les deux facteurs. Les cyclistes expérimentés ont cependant conscience de cette relation de manière intuitive. Les novices bénéficient d'un enseignement qui les aide à trouver une fréquence efficace et qui maximise leur performance. La plupart des cyclistes expérimentés savent le plus souvent de manière approximative où elle se situe. Les études portant sur la fréquence de pédalage optimale analysent toutefois un éventail de fréquences de pédalage bien plus large que ce qu'un cycliste expérimenté pourrait envisager, et les résultats de la recherche sont donc généralement bien moins précis. »

Les coureurs professionnels Chris Froome et Nairo Quintana
Rivaux sur un même pied d'égalité : le multiple vainqueur du Tour de France Chris Froome (haute fréquence de pédalage) et son grand rival et vainqueur du Giro d'Italia Nairo Quintana (basse fréquence de pédalage)

Chris Froome et Nairo Quintana sont deux exemples actuels de cadences de pédalage très différentes, qui pourtant toutes deux mènent au succès. Alors que la fréquence de pédalage en montée de Froome est de 100 rpm, Quintana travaille dans les mêmes conditions, à 75 rpm. Quels sont les avantages et les inconvénients de chacune de ces cadences ? « C'est une question à laquelle la science a beaucoup de mal à répondre. Je pense que la différence réside en partie dans la nature individuelle de chaque coureur, et donc que Froome et Quintana ont des styles fondamentalement différents parce qu'il sont physiologiquement différents. Je suppose cependant que ces deux coureurs ont investi beaucoup dans leur entraînement de manière à optimiser leur propre style. Il n'existe donc pas de méthode universelle qui fonctionnerait pour tout le monde. Si on compare Froom et Quintana, ils en sont une très belle illustration. Je pense que ce serait une erreur de dire que Quintana pourrait mieux gérer les côtes si il roulait comme Froome ou inversement. »

Vous êtes donc d'avis qu'il n'y a jusqu'à ce jour pas de réponse à la question : existe-t-il une fréquence optimale de pédalage ? « Oui, comme je l'ai déjà évoqué, je suis de l'avis que d'un point de vue scientifique, c'est un sujet étonnamment complexe. En réalité, les coureurs et les entraîneurs trouvent leur idéal de cadence du fait de leur expérience et de leur intuition. Bien que la science puisse contribuer à ce processus, nous sommes encore bien loin d'être en mesure de dire aux coureurs et aux entraîneurs quelles sont leurs erreurs ou de leur donner des conseils à suivre à la lettre. »

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Quels sont les facteurs pouvant influencer la fréquence de pédalage ? « La vitesse ou la puissance que vous essayez de générer est probablement le premier facteur. Le second est la distance que vous essayez de parcourir. La fréquence de pédalage optimale dans une phase de sprint est bien plus élevée que celle des coureurs qui roulent dans un style plus endurant. L'efficacité d'un coureur, la longueur de ses membres, le type de ses fibres musculaires, sa propre perception de sa performance et son expérience globale sont autant de facteurs probables. »

La fréquence de pédalage joue-t-elle aussi un rôle pour les cyclistes amateurs ? « Les cyclistes amateurs ont généralement tendance à pédaler plus lentement que les cyclistes expérimentés. Cela pourrait être en parti dû à leur condition physique. C'est pourquoi je pense que les cyclistes amateurs améliorent leur propre cadence optimale de pédalage à force d'expérience et en travaillant leur forme physique. Les cyclistes professionnels s'entraînent souvent en pédalant le plus vite possible à vitesse réduite. Je pense que cela pourrait aider un cycliste amateur. Cependant, le moteur principal d'un vélo est la puissance générée par le coureur. Qu'il la génère rapidement ou lentement n'est qu'un facteur secondaire par rapport à la quantité d'énergie qu'il produit. Par conséquent, il est d'abord et avant tout important de considérer à quelle vitesse vous vous déplacez et avec quelle puissance. La fréquence de pédalage ne devrait jouer un rôle que dans un second temps. »

Comment un coureur cycliste peut-il trouver sa propre cadence de pédalage optimale ? « Il n'y pas de tests de laboratoires spécifiques pouvant permettre de répondre à cette question, et que je recommanderais. On peut se référer à des résultats issus de ces tests et faire des suppositions, mais elles n'auront pas plus de valeur qu'un entretien préalable avec un coureur expérimenté ou un entraîneur. Pour commencer, je conseillerais de tester plusieurs fréquences de pédalage pour voir laquelle vous convient le mieux. Il s'agit ensuite d'entraîner cette cadence pendant un certain temps et de la peaufiner en vous basant sur votre propre perception de ce qui semble le mieux fonctionner. Cependant, si la cadence de pédalage sort du cadre des valeurs habituelles pour la plupart des cyclistes, disons 80-105 rpm, il est utile de s'entretenir avec une personne ayant plus d'expérience. »

Coureurs sur leurs vélos
Chaque coureur ne peut trouver la bonne cadence de pédalage que de manière individuelle.

Est-il utile d'entraîner sa fréquence de pédalage ? Et si oui : pouvez-vous nous recommander certains exercices en particulier ? « Oui, je suis certain que la grande majorité des coureurs professionnels entaînent leur cadence de pédalage, généralement pour être plus à l'aise dans une fréquence plus élevée. Grosso modo, plus vous êtes en forme, plus vous pouvez générer de puissance et donc plus votre fréquence de pédalage sera élevée. De plus, une meilleure condition physique vous permet de rouler plus longtemps, encore une fois, tout en profitant d'une cadence plus élevée. Pouvoir conserver cette fréquence de pédalage élevée n'arrive pas nécessairement tout seul. Un pédalage conscient sur le petit plateau, avec des tours de pédales plus fluides peut certainement aider à trouver la bonne cadence, au fur et à mesure que l'entraînement progresse. »

Nous tenons à remercier le Professeur Louis Passfield pour cet entretien extrêmement instructif.

En un coup d'œil : 3 conseils de Louis Passfield pour entraîner votre fréquence de pédalage

Pour résumer, Louis Passfield donne aux cyclistes amateurs passionnés les conseils d'entraînement suivants :

1. Expérimenter avec différentes cadences

La fréquence de pédalage optimale et propre à chacun ne peut être trouvée qu'en expérimentant. Il est ainsi important d'être attentif à votre propre perception de ce qui paraît être juste. Déterminez à quelle vitesse vous progressez en déployant quelles forces et les limites de votre puissance. Vous pourrez ensuite peaufiner vos valeurs en vous basant sur ces résultats.

2. Pédaler sur le petit plateau (mouliner) pour générer des mouvements fluides

Pédaler en restant sur un petit plateau demande un grand déploiement de forces. Actionner les pédales lorsque la chaîne se trouve sur le plus grand plateau est fatigant, et permet d'entraîner votre forme physique lors d'une sortie en endurance. La vitesse à laquelle vous roulez joue dans ce cas un second rôle, le plus important restant avant tout l'entraînement de votre endurance.

3. Pédaler le plus rapidement possible sur le petit plateau

Une fois que vous êtes parvenu à créer un mouvement aussi fluide que possible sur un petit plateau, vous pouvez commencer à parfaire votre fréquence de pédalage en essayant de rouler plus rapidement. Il est important ici aussi, d'écouter votre corps et de le pas atteindre une fréquence dans laquelle vous vous sentez mal à l'aise ou qui sorte du cadre des 80 à 105 rpm. [N.D.L.R. : il existe des appareils conçus spécialement pour vous aider à mesurer votre fréquence de pédalage. Demandez conseil à votre magasin spécialisé en cycles.]

owayo vous propose par ailleurs une large gamme de maillots de cyclisme personnalisables, sur lesquels vous pouvez facilement créér votre propre design.

Images : Photo de couverture : © gettyimages/photoschmidt, Image 1 : © Louis Passfield (privé), Image 2 (Chris Froome) : © Wikimedia Commons, By Gyrostat (Wikimedia, CC-BY-SA 4.0), CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=41869389, Image 3 (Nairo Quintana) : © Wikimedia Commons, By Gyrostat (Wikimedia, CC-BY-SA 4.0), CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=41997024, Image 4 : © gettyimages/Claudio Arnese

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